Faire de la solitude notre amie

Etre solitaire, vivre seul n’est pas synonyme de solitude. Etre seul n’implique pas le sentiment de solitude. Pourtant, bon nombre d’entre vous vivent mal la solitude. Ils font face au vide intérieur et ne savent que faire de cette horrible impression.

La solitude n’est pas une fatalité et nous pouvons en sortir, si nous le voulons, en donnant de notre personne aux amis et aux autres en général (bénévolat etc.). Paradoxalement, l’état de solitude peut se gérer en apprenant à être bien tout seul ! Autrement dit, nous avons la possibilité de vivre harmonieusement seul avec nous-mêmes sans souffrir de solitude.

Petit questionnaire pour commencer

  • Etes-vous à l’aise de rentrer seul chez vous ?
  • Aimez-vous la décoration de votre domicile ?
  • Aimez-vous disposer de temps seul chez vous ?
  • Seul à la maison, vous sentez-vous sans énergie, anxieux, vide ou déprimé ?
  • Seul chez vous, pensez-vous le temps de vous occuper de vous même ?
  • Vous asseyez vous seul, de temps en temps, à la terrasse d’un café (ou à l’intérieur) ou dans un parc ?
  • Allez vous parfois manger seul au restaurant ou au ciné ?
  • .. au concert seul ? au spectacle seul ? au musée seul ?
  • .. vous balader seul ?
  • Faites vous du sport sans être accompagné ?
  • Allez vous faire des achats autres qu’alimentaires sans être accompagné ?
  • Partez vous en voyage non professionnel seul ?

Petit programme d’entrainement pour ceux/celles qui éprouvent un malaise à vivre ces situations du quotidien en solo.

Si vous vous appliquez régulièrement, vous réussirez à diminuer de façon significative votre anxiété.

L’objectif est même, à long terme, de l’annuler complètement dans la plupart des contextes de vie.

Il y a trois facteurs de réussite à ce programme d’exposition aux situations anxiogènes :

L’application réelle, la répétition, l’augmentation progressive de la durée.

N’oubliez pas que le préalable est d’ordre cognitif : confrontez vos pensées automatiques « je ne peux pas ! », « j’en suis pas capable » « j’ai peur, « les gens vont voir que je suis seul(e) » dès qu’elles apparaissent.

Les stratégies suivantes sont d’ordre comportementaux.

Se dire capable de faire les choses en solo mais ne jamais les expérimenter doit nous ouvrir les yeux sur nos évitements (…).

Ce programme s’adresse à toutes les personnes qui se sentent anxieuses ou déprimées dès qu’elles sont seules.

Pour vous encourager, notez ce que vous appliquez dans un « Journal de bord ». Notez les dates et les durées pour les activités pour vérifier les progrès.

Programme d’entrainement

Revoir la décoration de son intérieur

L’impression d’être trop seul n’est pas relative à une situation extérieure mais au sentiment de vide intérieur.

Or, s’il existe un symbole typique de son état intérieur, c’est bien ce qu’on vit dans son « intérieur », c’est à dire chez soi. Question qu’on peut poser : Quand j’entre chez moi, est-ce que la décoration me rend joyeux ou apaisé ? Est-ce que j’ai plaisir à regarder ce que j’ai sous les yeux ?

Pour apprivoiser la solitude il faut commencer par être bien chez soi.

L’auteur propose de se séparer des vieilleries qui manquent de beauté mais qu’on garde par habitude. Par ailleurs, elle propose d’étaler les dépenses pour par exemple des meubles plus beaux dans le temps. Et d’acheter d’occasion. On ne manque pas de sites / groupes facebook pour trouver des ventes de greniers etc. marchés aux puces. Apprendre à bricoler et à « up-cycler » peut en soi être une activité manuelle qui apaise vos anxiétés (ce sont ce qu’on appelle des « expressive creative strategies for managing anxiety »).

Si vous n’êtes pas très sûr de votre goût, vous pouvez trouver inspiration dans des magazines / sites de décoration intérieure ou vous faire conseiller par vos ami(e)s.

Se sentir bien chez soi est tellement important que beaucoup de patients le décident spontanément. C’est le signe qu’ils vont mieux.

Mais l’inverse est vrai aussi : adopter un nouveau comportement génère de nouveaux sentiments. Ainsi changer l’aspect de son environnement pour le rendre joli, harmonieux et chaleureux donne une nouvelle énergie.

S’occuper seul chez soi

Le sentiment de solitude nous fait tourner en rond, regarder la télévision sans véritable intérêt (juste pour briser le silence) ou nous atteler à des tâches ménagères systématiques. Si on a un animal de compagnie, on lui donne une importance démesurée pour ne pas s’occuper un peu plus de soi.

Commençons par s’aménager un nouveau programme pour toujours inclure des activités pour soi seul.

Les besoins personnels et les objets de plaisir de chacun ne sont pas identiques. Ils le sont d’autant moins qu’on est un homme ou une femme. Les exemples ci-dessous sont donc à adapter selon votre propre plaisir et vos intérêts. Voici de nouvelles possibilités d’occupation à faire seul :

  • S’isoler (si on est en couple /en famille) et écrire
  • S’isoler et composer ou créer
  • Débrancher le téléphone et faire une relaxation ou une méditation pendant 20-30min
  • Prendre un bon bain moussant ou avec des sels
  • Prendre soin de son corps : traitement des cheveux, de la peau, des mains, des ongles, des pieds, épilation
  • Lire un livre / une magazine intéressante
  • Jouer d’un instrument de musique
  • Trier ses photos
  • Découvrir d’autres possibilités d’un logiciel d’ordinateur
  • Recoller ou réparer des objets cassés
  • Changer ses meubles ou ses bibelots de place
  • Classer ses livres
  • Ranger ses affaires d’été ou d’hiver
  • Se débarrasser de vieilleries (vêtements à donner ou a jeter, objets inutiles et encombrants)
  • Faire un tour dans sa cave et trier (en plusieurs fois selon l’encombrement)
  • Se faire bronzer dans son jardin en été
  • S’acheter régulièrement des fleurs
  • S’occuper de ses plantes
  • Autres

Aller seul au café (dès que cela sera à nouveau possible bien sûr)

A une certaine époque il était mal vu qu’une femme « traine » seule au café. Ce temps est révolu. Non seulement il n’est pas question de « trainer » dans un café où on n’a rien à faire, mais l’intention ici n’est pas d’aller se faire draguer et de rechercher de la compagnie.

L’objectif de cette démarche est de s’habituer à penser à s’asseoir seul au café en attendant l’heure d’un rdv, un départ de train ou de ou de bus ou tout simplement pour y lire à la terrasse sous le soleil.

Le programme d’entraînement demande à ce que vous alliez au café sans autre but que d’y rester seul.

Au moins un quart d’heure la première fois. La durée de l’exposition doit augmenter au fur et à mesure 30min – 45 min – 60min.

Le seul critère pour évaluer la durée nécessaire utile est la diminution claire de notre anxiété. Il ne faut pas partir du café en pic d’anxiété. Nous ne partons que quand nous nous sentons finalement mieux qu’en arrivant (si angoisse à l’idée d’aller seul au café). Deux indications utiles : ne pas prendre d’alcool, car l’alcool est anxiolytique, et changer de café chaque fois pour éviter l’habitude.

Eviter les évitements subtils : L’évitement subtil nous donne l’illusion que nous sommes capables de soutenir émotionnellement la situation alors que nous nous sommes débrouillés subtilement pour en atténuer l’intensité émotionnelle. Par exemple, s’attabler dans un café ou un restaurant et s’installer volontairement dos à la salle et face au mur afin de ne pas croiser les regards des autres personnes.

Nous mettre directement en contact avec la situation anxiogène comporte des règles précises pour réussir. Le faire, le répéter et laisser passer une durée suffisante pour que l’anxiété diminue d’elle-même, et ce à chaque répétition. Autre postulation important : jamais une exposition in vivo ne vous sera proposée par un thérapeute en dehors de ces règles et si la situation est dangereuse, inutile ou ridicule.

Sortir en solo

Au cours du mois, réalisez au moins une fois chaque sortie suivante :

  • Une séance de cinéma seul (si vous êtes en couple choisissez un film que votre partenaire ne souhaite pas voir)
  • Un concert, un spectacle ou une pièce de théâtre (qui n’intéresse pas votre conjoint)
  • Une exposition, une galerie ou un musée
  • Une promenade à pied, à vélo, en barque ou en ce que vous voulez
  • Du spot (même de la marche rapide)
  • Des achats de vêtements, de chaussures ou d’objets décoratifs pour la maison

Voyages en solo

L’auteure parle d’une jeune femme de 33 ans qui lui disait ‘oui j’aimerais visiter ce pays, mais ce sera pour plus tard, car j’e suis seule…’. Beaucoup de célibataires et de partenaires en couple rechignent à partir une semaine, 15 jours ou un mois en voyage seuls. Vous ne savez pas ce que vous perdez ! Cette expérience est extraordinaire. Malgré cela, Nazare-Aga ne vous recommande pas de commencer à voyager seul si vous n’avez pas encore perdu un peu de votre anxiété à fréquenter les cafés, les restaurants et à sortir sans compagnie. Cependant, certaines personnes anxieuses sociales timides ou phobiques sociales disent se sentir capables de tenter l’aventure à l’étranger avant de s’exercer « à domicile ». Elles expliquent cela  par deux observations : d’une part elles se sentent rassurées à l’idée de ne rencontrer  aucune personne connue qui pourrait se poser des questions à leur sujet ; et, d’autre part, elles prévoient dès le départ ne pas donner suite aux rencontres. A bien y regarder ces cas constituent des formes d’évitement malgré les apparences de courage.

Contrairement à ce qu’on imagine quand on n’a jamais pris de vacances en solo, on rencontre une foule de gens sur notre chemin avec qui échanger. Dix fois plus que quand on voyage à deux. Tout d’abord parce que ceux qui voyagent solo n’ont pas peur des autres. Ils ont l’habitude (ou la prennent) de faire appel aux autres pour obtenir de bons tuyaux. Ils aiment recueillir les impressions d’autrui quant à tel site, telle route, tel hébergement, tel restaurant. Avides de découvertes, ils n’ont pas pour but de trouver l’âme sœur en voyagent. En revanche, discuter avec des inconnus, manger avec eux ou partager un taxi, une visite ou une partie de pêche est au coeur de leur plaisir. Paradoxalement, l’intérêt de voyager seul est de s’ouvrir aux autres et de se joindre à eux. Justement parce qu’on ne les connaît pas encore et qu’ils vont contribuer à nous enrichir par leurs propres expériences.

Pour avoir parcouru une partie du monde depuis plus de 20 ans, seule ou accompagnée d’un conjoint ou d’amis, je peux vous rassurer sur une chose : on ne connaît pas la solitude en voyage solo. Et si c’est le cas, nous l’avons voulu ainsi. Personnellement, je ressens davantage de plaisir à bouger en solo, car j’expérimente une grande liberté et la sérénité due à des réflexions intérieures que cette dimension espace-temps m’offre.

Je me permets de vous rappeler qu’il n’est pas judicieux de partir seul, qui plus est à l’étranger, si vous craignez encore trop le contact humain. Cela sera un obstacle au bon déroulement de votre séjour et cela risque d’augmenter votre sentiment de solitude. Mais dès que vous vous sentez libre d’anxiété, n’hésitez pas à vous engager, encourage Nazare Aga.

Commencez par un weekend puis trois jours, puis cinq puis une semaine au moins. Pour les séjours en pays de langue étrangère, partez avec un minimum de connaissances en anglais. Utilisez aussi un journal de bord daté pour y exprimer vos impressions et y noter vos actions.

S’il est ici recommandé de pouvoir se supporter tout seul à travers des activités en solo, cela ne veut pas dire qu’il faille toujours les faire seul, entendons-nous bien. Le programme d’entraînement à bien vivre la solitude veut cependant que l’on se réserve des moments volontaires en solo et qu’on refuse justement la compagnie systématique. Une fois le programme terminé (ce qui peut prendre un an), nous ne connaitrez plus d’anxiété et vous vivrez ces situations avec le plus grand naturel et les rechercherez même. Et ce pour la vie.

La solitude n’est pas notre ennemie. A bien y réfléchir, ce qui nous crée le plus d’anxiété et nous vide de notre énergie, c’est de tenter chaque fois de la rejeter. Apprivoiser la solitude, c’est ne plus ressentir la souffrance mais une fabuleuse impression de pouvoir.

Conclusion

Deux choses peuvent empêcher notre évolution. Le manque de conscience et le manque de responsabilité. Comprendre ce qui détermine nos actions, nos intentions et nos buts, ainsi que nos valeurs, n’est possible grâce à notre conscience. Avoir un haut niveau de conscience permet de faire un discernement entre notre monde intérieur (nos pensées, nos besoins, nos opinions, nos émotions) et le monde extérieur tel qu’il est.

En adoptant ce haut degré de conscience nous refusons de fermer les yeux sur des aspects de nous-même et de la réalité.

De nombreuses approches, en dehors de la thérapie, peuvent y contribuer (mindfulness, relaxation, l’art etc.).

Vivre de façon consciente rejoint un autre concept fondamental : être responsable de soi. C’est une composante essentielle de la confiance en soi tout comme elle en est la manifestation. Quel que soit notre vécu antérieur, l’adulte qui devient conscient, qui analyse et qui agit à propos est entièrement responsable de ses choix. Nous ne devons plus attendre qu’un tiers respecte nos besoins si nous n’en prenons pas la charge nous-mêmes. Il en est de même pour nos actes, pour nos comportements, à l’égard de ceux qui nous environnent, pour nos valeurs profondes, pour le soin que nous nous apportons et le renforcement de notre estime personnelle.

Extrait de « Approcher les autres, est-ce si difficile ? » (modifié) d’Isabelle Nazare-Aga 2004